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06.11.23

La maison de plaisance 1/3

S’il y a bien une catégorie de biens historiques que nous avons plaisir à découvrir et faire découvrir chez Leyrit et Turpeau, ce sont les maisons de plaisance. Aujourd’hui, nous vous faisons découvrir la part intime de ce patrimoine raffiné. 

Vers une définition : 

Le terme de maison de plaisance ne possède pas de définition précise. Il apparaît dans la littérature théorique du XVIe siècle et son utilisation est large. La maison de plaisance se distingue du château en littérature comme en architecture. On parle tantôt de maison des champs, de folies ou bien encore de bastide. La définition du château est elle-même complexe et les frontières entre les deux sont au bout du compte très poreuses. Il existe cependant des caractéristiques propres à la maison de plaisance car celle-ci répond bien à un besoin différent de celui du château. Les usages que lui confèrent ses propriétaires définissent pleinement cette architecture de campagne destinée à être occupée à la belle saison.

C’est dans l’Italie du XVe siècle qu’apparaissent les premières architectures que l’on peut considérer comme des maisons de plaisance de l’Époque Moderne. Les premiers modèles vont évoluer durant toute la Renaissance et se diffuser dans toutes les cours d’Europe. En France, Chambord est appelé maison de plaisance par ces contemporains, bien que son plan présente encore des caractéristiques propres au château défensif. Les milieux royaux participent activement à son développement tant et si bien que les appellations deviennent floues. Les maisons de plaisance se font appeler château et l’on voit des logis se transformer en maison de plaisance. Les usages évoluent, de larges fenêtres percent des façades rustiques de constructions plus anciennes, ouvrant d’épais murs défensifs sur des jardins en dentelle. 

Ainsi pouvons-nous définir les maisons de plaisance comme des constructions de taille modeste ne comprenant plus aucun élément de défense, dont le plan massé, peu étendu, occupe le cœur de tout un domaine. Leur position suburbaine les place à une demi-journée de transport depuis la ville, cinq heures en voiture à cheval tout au plus.  A l’image des villas en Italie, de Trianon à Versailles et surtout du château de Marly en France, leur utilisation secondaire met l’architecture de ces maisons et de leurs jardins au service du divertissement et des plaisirs. Il s’agit  d’un luxe qui, de fait, vient renforcer une position sociale ou même concrétiser une ascension fulgurante.

Une architecture simple mais délicate

L’idée d’une maison de plaisance est simple : reproduire à échelle réduite et non sans une certaine légèreté, l’art de vivre des maisons princières et des milieux proches de la Cour dans leurs lieux de villégiature. Sous des traits communs, c’est une foisonnante diversité de constructions qui voit le jour dans tout le royaume. Autour de Paris, naissent ainsi dans la deuxième moitié du XVIIe siècle des modèles qui vont inspirer de nombreux architectes jusqu'à la veille de la Révolution. C’est le cas, en particulier, du “château” d’Issy, œuvre de l'architecte Pierre Bullet édifié vers 1686. Son plan massé développe une architecture concentrée presque carrée qui s’inspire des villas de la fin de la Renaissance de l’architecte Andrea Palladio dans l'arrière-pays vénitien. Le succès du château d’Issy réside dans la parfaite intégration du modèle palladien, au langage classique de l’architecture française du Grand-Siècle souhaité par son commanditaire. Ainsi le toit plat italien devient un toit à la Mansart et le vestibule au centre de la maison est préféré à la loggia, jugée sans doute peu propice à la rudesse du climat français. Enfin, le plan en trois séquences italien, doublé en profondeur, inspire fortement Bullet pour Issy. 

De manière plus générale, la maison occupe une place centrale, point de convergence des allées et du maillage qui structure le domaine dans son intégralité. Elle est la raison d’être de tout l’univers qui l’environne. Le jardin à la française et les longues perspectives mettent en valeur l’architecture du lieu. Précédée d’une cour d’honneur avec portail et grilles en fer forgé, la maison comporte des façades symétriques traitées différemment selon leur orientation. Dominant l’arrivée du visiteur, la façade sur cour est la plus noble : elle affirme le pouvoir et le rang du maître des lieux. Elle est rythmée par les travées et les chaînages d’angle. Son ornementation majeure consiste, la plupart du temps, en un avant-corps central sommet d’un fronton. La façade côté jardin est plus légère, souvent sans fronton. L’harmonie qui s’en dégage réside dans la répétition équilibrée des travées.

Les domesticités et notamment la cuisine sont rejetées dans les communs les plus proches. La disposition de ces bâtiments annexes vient renforcer l’équilibre et la simplicité de l’ensemble tout en mettant en valeur l’architecture de la maison. L’office sert de relais à la cuisine restée dans la cour. La chapelle, quant à elle, peut soit faire partie de l’enfilade des pièces du rez-de-chaussée, soit constituer un bâtiment indépendant, plus ou moins proche de la maison, c’est fonction ! Ainsi les pièces de réception et les appartements, libérés de toute servitude, occupent l’essentiel de l’espace disponible de l’habitation noble. 

L’architecture utilitaire qui accompagne le travail des terres cultivées structure le domaine. Son organisation met en valeur la propriété du maître des lieux. A l’extérieur encore, l’orangerie, la nymphée et les fabriques, achèvent la comparaison avec les grands domaines princiers dans une échelle à taille humaine.

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