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13.02.24

La maison de Plaisance 3/3

Un symbole de réussite


Attribut du milieu parisien de la finance dès la fin du XVIIe siècle, le modèle des maisons de plaisance se développe en province, rencontrant un vif succès dans le milieu des négociants et des armateurs tout au long du XVIIIe siècle. Ainsi voit-on fleurir en périphérie des villes portuaire, des domaines de taille mesurée aux intérieurs raffinés. Dans les villes portuaires, les familles d’armateurs s’emparent de cette mode de la campagne. A Nantes et Montpellier, ces riches négociants se font construire des folies, à Saint-Malo des Malouinières, à Bordeaux des chartreuses et des bourdieux, à Marseille des bastides. Lorient, La Rochelle et Bayonne conservent encore quelques exemples de ces précieuses réalisations. Chaque cité possède son propre modèle. La présence à proximité d’un fleuve ou d’une rivière étant un élément déterminant dans le choix d’implantation car permettant de rejoindre aisément les navires de commerce en droiture.


Constituant très souvent un centre économique riche de ses cultures, la maison de plaisance nourrit ses occupants à la campagne comme à la ville et permet à une population rurale de se développer. Lorsque les terres sont en quantité réduite, son usage est réservé à la seule villégiature. Dans ce cas, divertissements, repos et isolement sont privilégiés. Intense mélange de succès dans les affaires et d’alliances avec la noblesse locale, la maison de plaisance est le symbole d’une réussite. Elle est le reflet d’une position avantageuse dans une société hiérarchisée, valorisée par l'accumulation de titres et de charges, qui concentre la fortune et l’argent dans les mains de quelques privilégiés.

De la fin de l’apogée à aujourd’hui…

 

La Révolution de 1789 marque un coup d’arrêt au développement des maisons de plaisance. Leur apogée est donc antérieure et couvre une longue période, pour ainsi dire de la fin de la Régence du Duc d’Orléans jusqu’à la fin des années 1770. Quelques-unes d’entre elles apparaissent à l’aube du XIXe siècle, perpétuant pour un temps incertain une atmosphère surannée d’Ancien Régime. Mais l’on voit déjà que le cœur n’y est plus. L’architecture est simplifiée, presque trop sage. Il lui manque ce degré d’insouciance qui autorise quelque fantaisie. Viennent les années de survivance avec des exemples comme la Garenne-Lemot, édifiée vers 1815 au bord de la Sèvre qui regarde avec attachement la forteresse d’Olivier de Clisson. 


La société du Premier Empire, suivie de celle de la Restauration, vit des transformations telles, que le modèle évolue pour, au bout du compte, disparaître au profit d’un besoin de renouveau et de grandeur. Derrière le nom de “Folies” apparaissent de véritables palais à la campagne aux toitures élancées vers le ciel comme des forêts. Cette architecture palatiale, d’une extraordinaire extravagance, balaye le sens figuré de la folie du XVIIIe siècle. Ces folies d’un nouveau genre sont de gigantesques vaisseaux de pierre échoués sur des jardins romantiques. Les maisons de plaisance d’avant la Révolution, dont l’âme délicate révèle une beauté presque ineffable, demeurent sans véritable transition. Elles parviennent jusqu’à nous sans pâlir, chargée d’une vibrante insouciance.


L’urbanisation galopante, depuis la révolution industrielle du milieu du XIXe siècle jusqu’au début du XXIe siècle, a mis à mal l'existence des maisons de plaisance, et ce notamment du fait de leur proximité avec les centres urbains. Lorsqu’elles n’ont pas été détruites au profit de nouveaux quartiers, ces dernières ont vu disparaître leur domaine agricole et réduire considérablement leur jardin. En contrepied des sacrifices et des amputations, apparaît ces dernières années une meilleure identification doublée d’un effort de valorisation accompagné par des propriétaires attentionnés. Les actions mises en œuvre permettent de mieux comprendre ce patrimoine si particulier et d’atténuer autant que possible les tensions de la spéculation foncière si intenses à leur égard. 

Proche de la grandiose rusticité des villas suburbaines d’Italie mais encore très éloignées du faste des châteaux d'apparat du XIXe siècle, la maison de plaisance offre une parenthèse délicate et harmonieuse dans l’histoire de l’architecture. Le goût, le raffinement et les proportions mesurées de ces demeures choyées concentrent, sous leur simplicité apparente, élégance et majesté.

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